Zut. On l'avait obligé à sortir de sa salle. Quelle cruauté. Sérieusement, on ne pouvait pas le laisser en paix. Il ne demandait que cela, de la tranquillité. En plus, c'était SA salle. On ne pouvait pas le déloger si facilement ... Bon, d'accord, peut-être que si. Après tout, il n'y avait pas son nom écrit en gras, en rouge, souligné, police taille quarante-deux, avec des petits pois et autres signes distinctifs absolument dégueulasses qui pètent la rétine, sur la porte. Quoiqu'on pourrait lui donner ... Franchement, il était le seul à y mettre les pieds – élèves mis à part. Le pire, c'est qu'il y faisait même le ménage. Parce qu'il le voulait bien, hein ? L'académie avait à coup sûr les moyens de payer une femme de ménage, 'faut pas déconner. Juste qu'il n'aimait pas sa façon de travailler. Elle économisait trop son eau et les produits qu'elle utilisait pour nettoyer son piano. Mein Gott, il avait cru tourner de l’œil la première fois qu'il l'avait vu faire. Bizarrement, maintenant elle refusait de nettoyer. Il faut avouer que lors de leur premier contact, Gilbert n'avait pas été des plus sympathiques. En fait, soyons réalistes, il avait carrément été chiant. Genre « Il en reste un peu sur la gauche. », « Vous ne devriez pas utiliser ce produit ... » et autres commentaires tout aussi agréables si bien qu'elle avait fini par lui mettre le balai dans les mains avec un « Démerde-toi si t'es pas content. », ce qui avait ravi l'Allemand. Alala, il faut vraiment être maso' pour aimer le ménage. Surtout pour un homme.

Bref, toute cette parenthèse pour dire qu'on l'avait foutu à la porte de son deuxième chez-lui pour faire je ne sais quoi. En espérant qu'ils ne mettent pas trop le bazar derrière eux. Pour couronner le tout, il n'avait pas cours à cette heure. Génial. Dans le genre je-m'ennuie-à-mort-achevez-moi il gagnait la médaille d'or haut la main. Donc, il était au secrétariat. Oui, vous avez bien entendu. Non, mais ils n’avaient rien trouvé de mieux que de le mettre là en attendant. Comme il ne faisait rien et que les secrétaires avaient une furieuse envie de prendre leur pause, et bien il était leur remplaçant. Sauf que ladite pause durait une éternité. Pff, si même les secrétaires hommes se racontaient des potins autour d'un café pendant des heures, nous sommes perdus. Heureusement pour lui, en théorie, personne ne mettait les pieds au secrétariat. Allez savoir pourquoi. Du moins, quand il y allait, il n'y avait jamais personne. Les gens devaient le fuir comme la peste. Taaant mieux. Assis sur son siège à roulette, Gilbert tapait un rythme que lui seul connaît sur la table. Non, ce n'était pas un tic. Juste un moyen de passer le temps. Un bruit désagréable l'interpela dans les couloirs.

« J'vais te bourrer la gueule, connard. »

Tch. Quelle politesse ... Bravo. Quand on dit que l'homme descend du singe, on ne peut pas mieux trouver. Certains s'apparentent plus à des animaux qu'à des êtres humains civilisés. Quand on pense que des gens se trouvent supérieurs aux Nekos ... Facepalm. Bon, je suppose qu'il est de son devoir de sortir régler cela, au moins ça lui ferait un peu d'animation. Se levant de son siège, il se posta devant la scène. Comme par hasard, pour le conforter dans son analyse, il s'agissait de deux élèves qui s'insultaient copieusement. Ils n'allaient pas tarder à en venir aux mains. Gilbert détestait la violence. Il n'aimait pas la voir et encore moins y participer. Moyen camouflé de dire qu'il ne savait pas se battre.

« Je vous dérange ? »

Demanda-t-il exaspéré. Les deux concernés se retournèrent vers lui, visiblement étonné que quelqu’un ait surpris leur conversation. Imbéciles ... Ils gueulaient tellement fort que les ours polaires de Sibérie ont dû se réveiller de leur hibernation.

« Vous ne pourriez pas vous battre ailleurs ? Je n'ai pas vraiment envie de ramasser les morceaux à l'intérieur ... »

On pourrait prendre cela pour une tentative d'humour de la part du professeur alors qu'en réalité, il pensait ce qu'il venait de dire. S'ils se battaient là, ce serait à lui de nettoyer, donc non, il avait autre chose à faire.

« Si on va dehors, vous nous punissez quand même ? »

« Si je ne vous vois pas, je ne peux pas dire que vous vous battez ... »

Manière détournée de faire comprendre l'adage « Pas vu, pas pris. » Un des deux belligérants sembla tilter vu qu'il attrapa l'autre par le bras pour le trainer vers l'extérieur. Voilà qui est réglé. Je pense que vous l'aurez vu, Gilbert ferait tout pour garder sa tranquillité, quitte à fermer les yeux sur un bain de sang. Il n'avait aucune envie de passer des heures avec les deux jeunes pour savoir qui avait commencé, pour quel motif et bla bla bla ... Il était professeur pas enquêteur jusqu'à preuve du contraire. Il fit cap vers le secrétariat puis retourna à sa position initiale. Logiquement, plus rien ne devrait venir gâcher sa torture. Sauf une personne ...