« Regardez ! C'est un chaton. »
Ce n'était pas prévu. Gatchan n'était pas censé être un neko. Pourtant, on distinguait très bien ces deux petites oreilles frémissantes et cette longue queue aussi rousse que ses cheveux. Sa mère ouvrit de grands yeux lorsque le médecin, fier de lui, lui apporta son enfant. Choquée, elle ne dit pas un mot; mais le père lui se mit à crier en faisant de grands gestes. Comment se faisait-il que cet enfant soit un sale chat ?!
Le médecin partit bien vite de là. On apprit plus tard au jeune couple de parents que cet homme avait injecté dans l'embryon de madame des gènes de chats, cette pratique maintenant devenue courante partout dans le monde. Mais en vérité, l'embryon n'était pas pour ce couple-ci. Car il faut que vous sachiez une chose, ces deux jeunes gens ne pouvaient pas avoir d'enfants, à cause du métabolisme du mari. Ils décidèrent alors de faire appel à une méthode d’insémination et leur médecin avait confondus deux échantillons. C'est ainsi que Gatchan était né. Par faute d'attention.
« M'man m'man ! Regarde ! J'sais faire du vélo ! »
La mère prit son enfant par la main et le fit vite rentrer à l'intérieur de la grande maison familiale. Elle gronda son enfant, il savait très bien qu'il ne pouvait pas aller dehors car il n'était pas comme les autres. Le petit garçon se mit doucement à pleurer. Il voulait sortir et voir ce qui l'entourait, et non rester tous les jours enfermés dans cette immense maison vide et lugubre.
Ses parents, de grands bourges possédant une réputation de fer à Kyoto, n'avaient pas désirer faire entendre partout que leur premier enfant était un chat. Une saloperie de chat, comme disait le père. Alors ils gardaient Gatchan enfermé dans leur domicile, il était trop petit encore pour bien comprendre la maltraitance qu'il endurait, les coups de journaux et la privation de liberté étaient ses punitions pour être différent. Mais la mère de cet enfant l'aimait malgré sa différence; lorsque son mari partait au boulot, elle passait sa matinée à raconter des histoires à son chaton, comme elle aimait l'appeler. Cependant, elle ne pouvait se rebeller contre son mari. Il fallait qu'elle garde un certain cadre de vie, il lui était impossible de se permettre une telle folie.
« Alice... tomb...a ? Oui, Alice tomba dans l...le tr..rr..ou ! Alice tomba dans le trou »
Privé d'éducation, ce fut sa mère qui lui apprit à lire et à écrire. C'était le moins qu'elle pouvait faire pour cet enfant indésiré. Il se souvient encore maintenant de l'affection que lui offrait cette femme si douce et affectueuse. Il se dit aussi parfois, que même si ce n'est pas sa mère biologique, elle aura su lui donner un brin d'amour dans ce foyer froid et étranger à sa peine.
« Nous avons quelque chose à t'annoncer ! »
Un jour, cependant, la vie de Gatchou prit un tout autre tournant. Il venait d'avoir treize ans. Il avait compris depuis quelques années que cette famille qu'il avait cru aimante durant son enfance, lui reprochait de toute les manières possible sa cruelle différence. Il ne comprenait pas, cependant, en quoi était-il étranger à ce qu'étaient ses parents ? A part cette petite queue et ces oreilles de chats rousses, ainsi que son goût prononcé pour le lait.
Donc, je reprends, quelque chose changea dans le foyer du jeune garçon. Une nouvelle que personne n'attendait, sa mère était enceinte. Il y allait avoir une nouvelle chose à aimer et chérir. Un enfant désiré, qui naîtrait sûrement en ayant forme humaine. La fragilité de Gatchan se brisa, il ne dit rien. Il n'avait jamais le droit de parler. C'était tout juste si à table, on lui permettait de s'asseoir avec tous le monde.
L'enfant naquit dans le même hôpital que notre chaton. Les parents de ce dernier ramenèrent une petite fille quelques jours plus tard à la maison. Ils délaissèrent alors Gatchou. Même sa mère, qui était la seule personne à lui parler et à le considérer comme un être normal.
« Sayonara »
Trois ans après la naissance de l'enfant, qu'il ne considérait nullement comme sa soeur, notre chaton partit de la maison. Il avait vu un spot publicitaire à la télévision montrant une académie qui mélangeait neko&humain. C'était parfait. Il était persuadé que là-bas, on ferait un peu plus attention à lui.
Alors un soir après avoir mangé, il rejoignit sa chambre. Prenant une valise, il mit à l'intérieur quelques vêtements et aussi le grand livre de conte grâce auquel il avait appris à lire. Il attendit après que ses parents aillent se coucher; une fois qu'il fut sûr de leur sommeil, il descendit les escaliers de marbre et arrivant à la porte l'ouvrit. Soudain une alarme retentit dans ses fines oreilles et il sut qu'il avait été repérer.
Ses parents descendirent en trombe et lorsqu'ils s'aperçurent que le fugitif n'était autre que Gatchan, le père se fâcha. Il voulut frapper le chaton, mais ce dernier riposta -pour la première fois de son existence-. Malheureusement il se manqua et son père saisit un balai. Le garçon subit ses coups sans rien dire, comme un vulgaire chat de gouttière. Une fois à terre, le père lui cria de foutre le camp et vite fait sans jamais rien dire à propos d'eux à quiconque. Il menaça de tuer Gatchan si jamais il apprenait qu'il avait mentionner leur existence à ne serait-ce qu'une personne.
Le pauvre garçon voulut récupérer sa valise mais il se fit marteler les doigts par le manche du balai. Alors il finit d'ouvrir la porte sans un regard derrière lui, par crainte de représailles mais aussi par peur de se blesser lui-même en regardant sa mère.
Alors dans cette froide nuit de mai, on vit une ombre aux oreilles de chat courir très vite dans une direction qui l'importait nullement tant qu'il se rapprochait de l'académie.